COMMUNICATIONS L’échinococcose alvéolaire : la place de l’homme Alveolar hydatid disease: the role of man
(communication présentée le 4 mars 2004)
RÉSUMÉ
Des progrès significatifs dans le dépistage de l’échinococcose alvéolaire ont diminué le nombre denouveaux malades dans les foyers européens, tandis que d’autres foyers sont maintenant mieuxconnus (par exemple en Chine). Mais cette zoonose ne peut être éradiquée et, dans des régionsétendues, les réservoirs sauvages s’avèrent contaminés, faisant peser un risque sur la populationhumaine, jusqu’au cœur des villes. Diagnostiquée et donc traitée tôt, la maladie n’a plus le carac-tère inexorable qui reste le sien lorsqu’apparaissent les manifestations cliniques: des médicamentsbloquent son évolution et la chirurgie permet des exérèses efficaces. Par contre, la transplantationhépatique qui avait soulevé de grands espoirs pour les patients porteurs de lésions évoluées, n’apas confirmé son intérêt, du fait de la fréquence de métastases plus ou moins tardives, favoriséespar l’immuno-dépression nécessitée par la greffe. Les connaissances en matière d’immunologie decette parasitose ont beaucoup progressé et notamment contribué à l’amélioration des moyens dediagnostic. Mais elles ont aussi montré que l’homme est un mauvais hôte pour ce parasite et quebien souvent, il s’en débarrasse spontanément. Les mécanismes de cette guérison commencent àêtre connus et on peut espérer que des conséquences pratiques en soient tirées: définition de pro-fils de sujets réceptifs ou de procédures « vaccinales », voire immuno-thérapeutiques. Mots-clés : échinococcose alvéolaire humaine, transmission, symptomatologie, diagnostic, traitement, prophylaxie. SUMMARY Significant progress in the screening for alveolar hydatid disease has reduced the incidence of thisdisease in Europe, and other existing foci are now better known (for example in China). However, thiszoonosis cannot be eradicated, and wild reservoirs cover huge areas, thereby exposing human popu-lations even in the centre of cities. If diagnosed and treated early, the disease is no longer lethal, aslong as clinical symptoms have not yet developed. Drug treatments are able to block the progressionof the disease and surgery can effectively remove cysts. However, liver transplantation, which lookedvery promising for advanced cases, has proved disappointing as the immunosuppressive treatmentrequired for transplantation favours the development of metastases sooner or later. Our knowledgeon the immunology of this parasitic infection has improved a lot, which has helped the managementof this condition, particularly in terms of diagnosis. We also now know that man is a poor host for thisparasite, and that the latter is often eliminated spontaneously. The mechanisms of this elimination arebeing identified, which will hopefully provide practical applications, such as the definition of suscepti-bility profiles, « vaccination » procedures, or immuno-therapy.Key words : human alveolar hydatid disease, transmission, symptomatology, diagnosis, treatment, prophylaxis.
(1) René HOUIN, UMR 956 BIPAR, Laboratoire de Parasitologie Faculté de Médecine de Créteil,8, rue du Général Sarrail, 94010 CRETEIL CEDEX – Tél: 33 (1) 49 81 35 91 – Fax: 33 (1) 49 81 36 01 – e-mail: [email protected]
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COMMUNICATIONS
À l’échelle mondiale, l’échinococcose alvéolaire n’a
la transmission à l’homme s’effectuait par l’intermédiaire
certes pas la même importance que l’hydatidose dont elle
du chien de traîneau avant qu’il ne soit remplacé par des
est parasitologiquement très proche. Mais à mesure qu’on
motoneiges. C’est toujours le cas dans l’ouest de la Chine
la connaît et qu’on la dépiste mieux, elle a acquis, notam-
où les éleveurs vivent de manière traditionnelle. En France,
ment en France où sa faible fréquence la classe parmi les
dans le Jura notamment, des foyers ruraux très limités
« maladies orphelines », une importance que justifie sa
assurent le maintien de l’enzootie entre renards et campa-
gravité. (ECKERT et DEPLAZES, 2004).
gnols, le chien transmettant occasionnellement l’échino-coccose alvéolaire à l’homme. À partir de ces foyers, cré-
Le kyste hydatique est dû, on le sait maintenant, à plu-
dités d’une prévalence de la maladie aussi élevée que 4,4
sieurs espèces différentes de vers, passant par des hôtes
pour 100 000 habitants (BRESSON-HADNI et al., 1988),
différents, et de pathogénéicité variable pour l’homme :
une zone beaucoup plus large présente des cas humains
rien de tel pour l’échinococcose alvéolaire, dans laquelle
isolés. Il est vraisemblable que tous les foyers d’échino-
une seule espèce, E. multilocularis, est responsable de la
coccose alvéolaire fonctionnent de cette manière, et ceci
maladie dans toute l’étendue de sa répartition géogra-
est important car on peut, dès lors qu’on a défini ces zones
phique, qui couvre pourtant tout l’hémisphère boréal. La
à risque, envisager des mesures de prévention qui n’au-
parasitose sévit dans les régions froides, que ce soit du fait
raient pas été réalisables à l’échelle du macro-foyer.
de la latitude (zones arctiques) ou du fait de l’altitude (dansles régions plus méridionales). Il est vraisemblable que la
Dans le catalogue des idées reçues, la contamination
résistance de la coque de l’oncosphère (embryophore) aux
des humains repose sur la consommation de myrtilles et de
agents physiques (froid et humidité) est largement respon-
fraises des bois souillées par les déjections de renards.
sable de cette répartition. Les foyers les plus anciennement
Cette notion doit être révisée, même s’il demeure bien sûr
connus se situent en Europe, en particulier en Europe cen-
très déconseillé de manipuler un cadavre de renard ou
trale (HUBNER et ULIKHOVA ,1997 ; ROMIG et al.,
même une peau non-tannée, mais le rôle des fruits sau-
1999) et orientale, jusqu’en Pologne (MYJAK et al., 2003)
vages semble plus faible qu’il n’était dit classiquement.
ou en Turquie (ALTINTAS, 1998). Au Japon, où la mala-
D’autres végétaux, situés plus près du sol que les myrtilles,
die a été introduite accidentellement par l’homme au dix-
ont nettement plus de chances d’être contaminés (salades,
neuvième siècle (KIMURA et al., 1999), elle a envahi l’en-
crudités). Mais, surtout, le contact avec le chien infecté est
semble de l’île septentrionale d’Hokkaido et semble se
le grand pourvoyeur de contaminations humaines, comme
propager actuellement à l’île principale (Honshu). Mais,
sauf peut-être au Japon, l’importance de la parasitose dans
Lorsque les progrès en épidémiologie de l’échinococ-
ces régions demeure faible par rapport à ce qui a été décrit
cose alvéolaire ont imposé ce fait, il a fallu comprendre
sur la frange septentrionale de l’Asie et de l’Amérique, et
pourquoi, dans ces conditions, si peu d’humains étaient
surtout par rapport à ce qui est actuellement recensé en
atteints de cette maladie (les cas familiaux sont notamment
Chine (JIANG, 1998). En France, les régions concernées
exceptionnels), alors qu’à transmission identique, beau-
sont limitées à un grand quart nord-est du pays et à
coup développent une hydatidose. Même si des travaux se
l’Auvergne. Contrairement à ce qui a été longtemps écrit,
poursuivent pour en élucider les mécanismes, la réponse
la maladie ne gagne pas vers l’ouest et seule l’amélioration
tient probablement à la réceptivité différente de l’homme
des conditions de diagnostic a permis de détecter des
pour les deux parasites. En ce qui concerne E. multilocu-
foyers préexistants, et stables (DEPAQUIT et al., 1998).
laris, l’homme est le plus souvent un mauvais hôte. Dansla plupart des cas, il semble ne pas s’infester après inges-
• LA TRANSMISSION À L’HOMME
tion d’oncosphères et seuls quelques sujets réceptifs déve-
La marche de l’échinococcose alvéolaire dans les
loppent la maladie. Encore certains sont-ils capables de
populations humaines est longtemps restée ignorée car sa
s’en débarrasser spontanément par la suite (formes « abor-
prévalence paraît faible, ce qui rend son approche difficile.
tives » décrites aussi bien en Franche-Comté qu’en Alaska,
En France par exemple, environ 200 cas seulement ont été
BRESSON-HADNI et al., 1994). Des modèles animaux
recensés de 1948 à 1983. À partir de cette époque, et grâce
(LIANCE et al., 1984) permettent de reproduire aussi bien
à l’amélioration des méthodes de dépistage, dix à vingt cas
ce qui se passe chez les animaux réceptifs, qui maintien-
sont détectés chaque année, même si des mesures de dépis-
nent la parasitose dans la nature, que ce qui se produit chez
tage systématique font maintenant que les personnes
des hôtes habituellement réfractaires. Sans doute sera-t-il
atteintes présentent une pathologie moins grave parce que
possible de déterminer ainsi ce qui fait que certains ne se
moins évoluée. Dans les autres macro-foyers européens,
défendent pas contre ce parasite et, peut-être, d’y obvier.
les chiffres sont du même ordre mais ils cachent en fait des
En attendant, des campagnes de dépistage systématique
disparités énormes. Cette maladie fonctionne en micro-
sont effectuées avec succès dans les populations à risques
foyers dans lesquels la prévalence devient très significa-
(par exemple les agriculteurs des cantons exposés du mas-
tive: des particularités écologiques locales ou des compor-
sif du Jura) et des mesures de prophylaxie éventuellement
tements inhérents au mode de vie de la population multi-
mises en oeuvre (limitation des chiens dans les villages de
plient le risque de contamination. C’était, par exemple, le
l’Arctique, vermifugation de ces animaux ).
cas des populations eskimo de l’Arctique, dans lesquelles
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COMMUNICATIONS • LA MALADIE HUMAINE
des malades souffrent de douleurs abdominales vagueslocalisées à l’hypochondre droit ou à l’épigastre, très long-
C’est une parasitose avant tout hépatique dont le nom
temps avant que n’apparaissent les manifestations qui
provient de l’aspect macroscopique très particulier du foie
conduisaient classiquement au diagnostic. Depuis la géné-
parasité, dit « en pain bis ». Cependant, à cette localisation
ralisation de l’échographie, cet examen est facilement
habituelle, peuvent s’ajouter des lésions métastatiques pul-
prescrit devant des douleurs abdominales hautes. C’est lui
monaires, spléniques, et même cérébrales.
qui révèle des images anormales et amène au diagnostic,
Au cours des dernières années, la prise en compte
qu’il ait été motivé par de tels symptômes, par un dépistage
médicale de cette parasitose a radicalement changé, ce
sérologique ou qu’il ait été systématique : on considère en
qui a abouti à une amélioration importante du pronostic.
effet que 29 % des formes sont asymptomatiques. Les pos-
L’ictère cholestatique, classiquement révélateur mais tar-
sibilités thérapeutiques sont largement accrues par la pré-
dif, fait maintenant figure de complication. Les progrès
et la généralisation de l’imagerie, associés à la qualité
Sinon, une fois sur deux, l’ictère cholestatique, fré-
des moyens sérologiques, permettent de diagnostiquer
quemment accompagné de prurit, attirera l’attention. Il cor-
tôt et de traiter avec succès un nombre plus important de
respond à une sténose plus ou moins complète de la conver-
cas, même si les médicaments disponibles n’ont pas
gence des canaux biliaires intrahépatiques, par compression
encore toute l’efficacité souhaitable.
due au parasite et à la fibrose, avec généralement, une dila-
Au plan anatomo-pathologique, le foie est envahi pro-
tation des voies biliaires en amont. Parfois aussi peut exis-
gressivement par une hydatide souvent réduite à sa mem-
ter une cirrhose biliaire secondaire. Dans un tiers des cas,
brane anhiste (cuticule). On a longtemps discuté de l’as-
l’ictère s’accompagne de douleurs abdominales, à type de
pect « stérile » de cette larve, c’est à dire de la présence ou
coliques biliaires avec frissons, et de fièvre. Ces formes
non de protoscolex. Au contraire des rongeurs réceptifs,
angiocholitiques apparaissent dues soit à des calculs intra-
l’homme ne permet pas un développement floride du para-
hépatiques, soit plus souvent à une abcédation de la masse
site, mais il existe pourtant de rares protoscolex, comme
parasitaire, avec migration de débris dans les voies biliaires
cela a été démontré par des études systématiques. La lésion
extra-hépatiques. L’état général de la moitié des patients
élémentaire, le granulome parasitaire, est caractérisée par
reste cependant bon et cette absence d’amaigrissement est
une zone inflammatoire marquée par des histiocytes dispo-
quelque peu surprenante chez un malade ictérique.
sés en palissade et des lymphocytes. Une fibrose très par-
Il arrive aussi qu’un gros foie irrégulier, simulant un
ticulière, acellulaire, succède au granulome. Souvent
cancer mais avec un état général conservé amène au dia-
secondairement nécrosée, cette fibrose est maximale chez
gnostic. Il reste cependant encore des cas où les complica-
l’homme (chez qui elle est visible à la surface du foie, lors
tions révèlent la maladie mais surtout, celles-ci surviennent
d’une laparoscopie par exemple) et chez les animaux peu
constamment pendant l’évolution. La plus grave est l’hé-
réceptifs (porc, cheval, bovins, ovins…), alors qu’elle est
morragie digestive par rupture de varices oesogastroduodé-
faible ou inexistante chez les rongeurs réceptifs.
nales, en relation avec une hypertension portale d’origines
Le granulome parasitaire qui constitue la réponse
multiples: cirrhose biliaire secondaire, syndrome de Budd-
immune cellulaire de l’hôte est très évocateur d’une réac-
Chiari, thrombose portale parasitaire. Les métastases sur-
tion d’hypersensibilité retardée. Lorsqu’il est important,
viennent chez 10 % des malades: surtout pulmonaires, par-
comme chez l’homme, les lymphocytes T sont aussi nom-
fois cérébrales (TUNACI et al., 1999), voire cutanées, sur-
breux que les macrophages et l’étude des sous-populations
rénaliennes ou osseuses. Leur importance s’est accrue
lymphocytaires circulantes indique une élévation du rap-
lorsque les progrès chirurgicaux ont permis l’extirpation de
port CD4/CD8, par baisse du taux des cellules CD8+.
la masse parasitaire hépatique dans sa totalité. Malgré tout,
L’analyse de la constitution cellulaire du granulome a mon-
les complications majeures de l’échinococcose alvéolaire
tré une prédominance des lymphocytes T CD8+. Ces résul-
restent locales et sont surtout des infections biliaires, avec
tats ont fait émettre l’hypothèse d’une séquestration des
parfois choc septique. Elles sont dues à des calculs intrahé-
cellules CD8+ au niveau des lésions. La participation des
patiques et/ou à un drainage biliaire insuffisant.
lymphocytes aux mécanismes de défense est suggérée,chez l’homme, par l’évolution rapide de l’échinococcose
Manifestations biologiques
sur terrain sidéen (SAILER et al., 1997) ou sous l’in-
Malgré l’importance des réactions tissulaires lors de
fluence de traitements immunosuppresseurs (BRESSON-
cette parasitose, le taux des polynucléaires éosinophiles
HADNI et al., 1999). Il paraît acquis que les réponses Th
n’est que rarement modifié: à peine 10 % des cas présen-
1 soient protectrices au cours des échinococcoses, tandis
tent une formule à plus de 7 % d’éosinophiles. La vitesse
que les réponses Th 2 sont probablement favorisées par
de sédimentation est très accélérée. Huit fois sur dix, le
l’importance de la masse parasitaire (EMERY et al., 1998).
taux sérique des gammaglobulines est supérieur à 30 g/l. Dans la plupart des cas, il s’agit d’une augmentation des
Manifestations cliniques
IgG, IgA, IgM, et des IgE totales. D’autres anomalies bio-
Lorsque la maladie devient patente, c’est habituelle-
logiques sont fonction de l’évolution de la maladie.
ment de 5 à 15 ans après le contact infectant. Mais 80 %
C’est ainsi que les taux de bilirubine totale et conjuguée
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dépendent de l’intensité de l’ictère. Celui de la gamma glu-
rétrécissements des canaux biliaires hilaires et l’éventuelle
tamyl transpeptidase est souvent 20 fois supérieur à la nor-
male, celui des phosphatases alcalines augmenté jusqu’à 6fois. Mais les transaminases sériques ne sont augmentées
Traitement
que s’il existe un processus nécrotique hépatique.
Le traitement médical de l’échinococcose alvéolaire
La recherche d’anticorps circulants est utilisée depuis
reste encore au nombre des objectifs de l’Organisation mon-
longtemps pour le diagnostic de l’échinococcose alvéolaire,
diale de la Santé (OMS). Pourtant, depuis une dizaine d’an-
mais les méthodes disponibles n’ont cessé de s’affiner.
nées, des substances actives ont fait leur apparition et suscité
Même si des antigènes hétérologues (E. granulosus) peu-
bien des espoirs. Des études in vitro ont démontré l’effica-
vent encore être utilisés pour le dépistage, il est préférable,
cité parasitostatique, et même parasiticide à fortes doses, des
et du reste obligatoire en France, d’employer l’antigène
carbamates de benzimidazole et le potentiel d’autres dérivés
homologue, facilement obtenu actuellement à partir de
plus diffusibles, actuellement encore expérimentaux
souches parasitaires entretenues au laboratoire ou conser-
(INGOLD et al., 1999). Si le fluoromébendazole s’est mon-
vées dans l’azote liquide dans des « banques parasitaires ».
tré décevant, le mébendazole (Vermox®) a fait l’objet d’une
L’hémagglutination utilisant des antigènes bruts d’E. gra-
étude multicentrique de l’OMS. Une stabilisation des
nulosus (Fumouze, Behring) n’est fiable qu’à environ 75 %.
lésions sur de longues périodes (jusqu’à 12 ans) a été obte-
L’immunofluorescence ou l’immunoélectrophorèse avec
nue dans 70 % des cas, à condition d’utiliser des doses très
des antigènes homologues sont plus intéressantes. L’ELISA
élevées (de 1,5 à 10 g/j, en fonction des taux plasmatiques
avec des antigènes commercialisés E. granulosus (Biotrin,
obtenus). L’albendazole est actuellement le benzimidazole le
Bordier) a une sensibilité de 95 %. Le véritable problème de
plus utilisé dans l’échinococcose alvéolaire: malgré une
spécificité ne se pose que pour la distinction avec l’hydati-
toxicité plus importante, il a l’avantage d’une meilleure effi-
dose. Un antigène purifié (Em2), utilisable en ELISA, a été
cacité. Cependant, quel que soit le produit retenu, il ne s’agit
obtenu par GOTTSTEIN et al. (1993). Cet antigène, asso-
en général que d’un arrêt de l’évolution et non d’une guéri-
cié à un autre (II/3-10), produit par génie génétique, est
son: l’inoculation de matériel provenant de malades ainsi
commercialisé sous le nom d’Em2plus (Bordier) (GOTT-
traités à des rongeurs très sensibles (Meriones unguiculatus)
STEIN et al., 1993). Il a apporté une amélioration impor-
aboutit à l’infection des animaux (LIANCE et al., 1990). En
tante de la spécificité en ce qui concerne le diagnostic ini-
cas d’intolérance ou de résistance, l’amphotéricine B a été
tial. La technique très analytique de « l’immunoblotting »
proposée récemment comme médicament de dernier recours
(LDBIO) permet de lever les derniers doutes diagnostiques
et certains (ITO et al., 1999) voient dans la disparition de
Pourtant, la chirurgie conserve encore, dans l’échino-
certaines bandes (EM18) un argument favorable pour éva-
coccose alvéolaire, une place de choix. Le seul traitement
luer le pronostic. Notons enfin que, pas plus que les autres
radical est l’hépatectomie partielle, seulement possible
infections compliquant ou coexistant avec le SIDA, l’échi-
quand les lésions sont suffisamment localisées: c’est dire
nococcose alvéolaire ne peut, dans ce cas être dépistée séro-
tout l’intérêt d’un diagnostic aussi précoce que possible.
logiquement (SAILER et al., 1997).
Néanmoins, à cause de l’habituel envahissement de laconvergence des canaux biliaires intrahépatiques, il s’agit
Examens morphologiques
d’une chirurgie majeure, dont ne peuvent bénéficier qu’en-
Dans les cas les plus avancés, la radiographie sans pré-
viron 40% des patients. Pour les autres malades, des tech-
paration montre des calcifications hépatiques diffuses,
niques chirurgicales palliatives permettent, associées au
punctiformes ou en flammèches. L’examen le plus utile
traitement médical, des survies prolongées, dans des
pour le diagnostic est l’échotomographie. L’aspect est le
plus souvent celui d’une de masse hépatique de contours
La transplantation hépatique. a été proposée comme le
irréguliers, mal définis. À cause de la petite taille des cavi-
dernier recours pour un certain nombre de patients, même
tés dans l’échinococcose alvéolaire, l’échographie ne peut
si le succès n’est pas toujours assuré et même si son coût
les mettre en évidence mais elle montre, à l’intérieur de la
extrêmement élevé et sa technologie très pointue en font
masse, une association caractéristique de zones hyperécho-
l’apanage de quelques centres spécialisés. Initialement
gènes dues à la fibrose ou aux calcifications et de zones
réservée à des sujets en fin d’évolution, elle a ensuite été
hypoéchogènes dues au processus de nécrose. Le scanner
proposée à des patients à l’avenir tout aussi sombre, mais
hépatique, essentiel pour déterminer l’extension des
plus tôt dans le déroulement de la maladie ; le pronostic
lésions, montre des aspects typiques : masse à contours
s’en est trouvé amélioré, notamment du fait de meilleures
irréguliers avec, là encore, l’association de zones hypo et
conditions chirurgicales locales, mais aussi à cause du
hyper-denses. Après administration d’un produit de
meilleur état général des malades. Une série de 17 trans-
contraste, la densité des lésions ne change pas.
plantations pour échinococcose alvéolaire a été publiée par
D’autres techniques d’imagerie, en particulier l’IRM,
le Groupe de Recherches de Besançon (BRESSON-
permettent de définir les modalités de l’intervention chi-
HADNI et al., 1991). Le taux de survie à 15 mois
rurgicale lorsqu’elle devient nécessaire. Elles précisent les
(moyenne) était de 75 %. Même si une ré-intervention a été
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nécessaire dans d’assez nombreux cas, surtout pour sai-
intéressant par rapport à celui du traitement des malades.
gnement, la transplantation est ainsi apparue comme une
La définition géographique de foyers limités permet en
possibilité ultime de sauver ces malades. Des études ulté-
effet de proposer des mesures qui auraient été utopiques il
rieures ont cependant montré (BRESSON-HADNI et al.,
y a dix ans. C’est ainsi que, dans le foyer du Jura, la séro-
1999, KOCH et al. 2003) que des métastases extra-hépa-
prévalence de la parasitose dans la population humaine a
tiques, initialement infra-cliniques, se développent trop
pu être établie (BRESSON-HADNI et al., 1994) à
souvent, grevant le pronostic à long terme. Ceci est sans
1,4/1 000 sujets (à comparer avec le taux de 4,4/100 000
doute à rapprocher des résultats expérimentaux obtenus
cité au début de cet article, établi sur critère clinique),
par LIANCE et al. (1992), qui ont établi que la ciclospo-
grâce à une enquête sérologique qui a porté sur un peu
rine (qui doit être poursuivie en permanence après la trans-
moins de 8 000 personnes, pour un coût d’environ 60 000 F.
plantation) déprime les réponses immunitaires spécifiques
par cas dépisté. Des campagnes de dépistage échogra-
contre le parasite et favorise la croissance larvaire. Comme
phique sont également envisageables, comme cela se pra-
dans la plupart des parasitoses, les effets des traitements
sont en effet étroitement dépendants de composantes
Il est également possible de mettre en place une pro-
immunitaires. Aussi des essais de traitements ont-ils eu
phylaxie chez l’homme et, en amont, au niveau de la trans-
lieu, expérimentaux ou même chez l’homme (JENNE et
mission. Dans les zones infestées, l’éducation de la popu-
al., 1998), avec des résultats intéressants. Ils n’ont toute-
lation vise à restreindre les situations à risque. La mise en
fois pas encore abouti à une attitude thérapeutique définie.
évidence du rôle des chiens a amené, en Alaska, à préconi-ser la vermifugation systématique de ces animaux, avec
• CONCLUSION
une baisse significative de la transmission à l’homme. En
Au total, l’approche de l’échinococcose alvéolaire s’est
Allemagne notamment, des essais de traitement des
radicalement transformée au cours des dernières années.
renards ont été effectués : à l’occasion de la campagne de
Les moyens modernes de diagnostic et de traitement font
vaccination antirabique, des appâts contenant aussi un ces-
que plus de la moitié des patients diagnostiqués guérissent
tocide ont été distribués dans le milieu naturel. La possibi-
et que, pour ceux de moins en moins nombreux qui suc-
lité d’une vaccination du renard et du chien est aussi à
combent, l’espérance de vie est d’au moins dix ans après le
l’étude. Une chute significative du nombre de nouveaux
cas humains a été obtenue dans les régions où ces mesuresont été mises en oeuvre, mais non une disparition : le cycle
Ce succès a pourtant un coût élevé. Celui-ci pourra être
naturel persiste et un relâchement de la pression signifie-
diminué par la mise en oeuvre de mesures de dépistage
rait inéluctablement une remontée du nombre de cas
dans les foyers où s’entretient la zoonose : les plus récents
humains au bout de quelques années.
travaux publiés suggèrent que le prix de ces mesures est
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