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COMPTE RENDU DE LA CONFERENCE DU 28/11/2008
Thème abordé par le Dr CECILE THOMAS : "L’ AGRESSIVITE DES MALADES ET CELLE DE SON ENTOURAGE" . I – LA MALADIE d’AlZHEIMER EN BREF C’est une maladie neuro-dégénérative du système nerveux central caractérisée par :
des lésions anatomopathologiques spécifiques,
une détérioration durable et progressive des fonctions cognitives qui nous permettent de vivre, de communiquer, d’interagir avec les autres et d’être autonomes, puis des troubles du comportement.
I – 1. Les troubles cognitifs
La fonction du langage est touchée : le malade a de plus en plus de mal à communiquer car il y a une perte de certains mots ou de leur signification.
Le malade oublie les choses du quotidien puis des choses plus anciennes puis la grammaire, etc.
Le malade est incapable de réaliser une activité motrice malgré des fonctions motrices intactes. Au fil du temps, le patient oublie comment s’habiller, comment on mange, comment on utilise sa fourchette, son couteau, comment on gère le quotidien, etc.
Le malade n’est plus en mesure de reconnaître ou d’identifier des objets, des visages familiers malgré des fonctions sensorielles intactes.
e) - Les troubles des fonctions exécutives :
Le malade est incapable de faire des projets, de s’organiser, de s’ordonner dans le temps, d’avoir une pensée abstraite.
I – 2 Les troubles du comportement et les troubles psychologiques
Il sont nombreux mais chaque patient ne les présente pas tous : dépression, anxiété, hallucinations visuelles, idées délirantes, troubles de l’identification (le malade ne reconnaît plus sa maison comme la sienne, l’entourage est perçu comme étranger), agitation sous forme de déambulation incessante, fugues, cris, troubles du sommeil, troubles de l’appétit (anorexie mais très rarement boulimie) et agressivité.
II - L’AGRESSIVITE
L’agressivité est un trouble du comportement fréquent dans la maladie d’Alzheimer que l’on retrouve dans 30 à 50 % des cas. Il tend à augmenter au fil de l’évolution de la maladie. Il y a deux types de manifestation :
L’agressivité verbale (la plus fréquente) : le malade crie, jure, insulte, accuse, etc…
L’agressivité physique : le malade pince, frappe, griffe, mord ou lance des objets, etc…
II – 1. L’évaluation de l’agressivité
Il est nécessaire d’évaluer l’agressivité pour la comprendre et pour une prise en charge optimisée. Pour cela, il faut déterminer :
Son mode de survenue, ses caractéristiques (verbales ou gestuelles),
Son intensité (modérée ou très violente faisant craindre pour la sécurité du malade et de
l’entourage) et son évolution (rapidement résolue ou qui continue),
Les signes associés (idées délirantes, hallucinations, phénomène de déambulation),
Son retentissement sur la vie quotidienne du patient et de son entourage,
II – 2. Les facteurs déclenchants
La personne malade se sent excédée car elle n’est pas en mesure de comprendre une
explication ou parce qu’elle reçoit trop de stimulations en un seul temps.
Elle interprète mal la situation qu’elle vit et les intentions des personnes autour d’elle.
Elle se sent infantilisée et donc non respectée. Elle sent qu’elle perd le contrôle de sa
Elle se met en colère car elle n’arrive pas à se faire comprendre, à communiquer.
Elle marque son opposition car elle est persuadée que l’entourage a tord, par défaut de
Elle peut être agressive en réaction à la tension et au stress de l’entourage.
L’immobilité forcée (la contention) ou la mobilité limitée sont sources de tension.
II – 3. Les conséquences de l’agressivité
L’épuisement des soignants (en ville ou en institution) qui n’arrivent plus à assumer
leur rôle (maltraitance verbale ou physique, négligence).
II – 4. La prise en charge de l’agressivité : gestion de la crise
Lorsqu’un patient s’agite, devient agressif verbalement ou physiquement, la première
chose à faire est de garder la tête froide et d’essayer de prendre du recul.
Si cela est nécessaire, s’éclipser de la pièce pendant 5 minutes.
Revenir au bout de ces 5 minutes et l’aborder, lui parler calmement.
Ne pas chercher à le raisonner car il n’est pas en mesure de le faire.
Eviter les discussions et les recommandations.
Lui signaler que vous avez compris qu’il est énervé, moins parler et mieux l’écouter.
Eviter tous les mouvements qui pourraient lui évoquer un sentiment de menace.
Ne pas chercher à contenir le patient (accepter la déambulation).
Ne pas le toucher sans son accord, rester à proximité.
Si besoin, lui indiquer calmement et aimablement les limites à ne pas franchir.
Quand la situation s’est un peu calmée, il peut être utile de passer à une activité afin
Lorsque la crise est passée, il faut la signaler au médecin car l’agressivité peut être liée à une agitation, une anxiété, des hallucinations, des idées délirantes, des troubles du sommeil. Celui-ci va réaliser :
Une anamnèse : c’est l’ensemble des informations récoltées auprès du patient mais,
dans ce cas, cela se fera auprès de l’entourage (début des troubles, facteurs déclenchants, signes associés, modifications récentes de traitement ou auto médication).
Un examen clinique : à la recherche d’une cause organique (déshydratation, fièvre,
douleur, fécalome, rétention aigue d’urine…).
Des examens complémentaires (si besoin).
La cause organique (fièvre, constipation, etc…) est également traitée.
Le médecin essaiera toujours de poursuivre la prise en charge du patient à son domicile, car l’hospitalisation est souvent délétère pour le patient qui va perdre ses repères. Cependant, celle-ci peut s’avérer indispensable dans des cas d’extrême agressivité. Par ailleurs, il peut être amené, en cas de crise grave, à donner un sédatif au patient, pendant une courte durée. Cela permet au malade de se reposer et de reprendre une vie « normale ».
Les solutions médicamenteuses existent pour gérer l’agressivité.
Une diminution des comportements agressifs et autres troubles du comportement est décrite après usage des médicaments utilisés pour traiter la maladie. Par ailleurs, il existe des médicaments plus spécifiquement utilisés pour traiter l’agressivité au moment de la crise, selon les manifestations associées (idées délirantes, hallucinations, anxiété, …). Cependant, aucun traitement n’est anodin ni dénué de risque (somnolence, chute, perte d’autonomie). Certains sont mêmes contre-indiqués par d’autres problèmes de santé associés à la maladie d’Alzheimer.
Les médicaments spécifiques à la maladie d’Alzheimer sont :
Les anticholinestérasiques : donépézil (Aricept ®),
Les inhibiteurs des récepteurs au NMDA : mémantine (Ebixa ®).
Traitement de la dépression, de la labilité émotionnelle :
ACE (rivastigmine, donépezil, galantamine) ; ISRS ou antidépresseurs (miansérine), Thymorégulateurs (carbamazépine), Antipsychotiques (olanzapine).
Traitement de l’agitation, déambulation, cris :
INMDA (méméntine), ISRS (citralopram, sertraline, paroxétine), Tranquilisants (carbamates).
Antipsychotiques (rispéridone, olanzapine, clozapine), Thymorégulateurs (valproate de sodium).
ACE (donépezil, rivastigmine), INMDA (méméntine), Antipsychotiques (olazanpine), Neuroleptiques (tiapride).
Hypnotiques (zopiclone, zolpidem), Benzodiazépines (oxazepam, clorazepam).
INMDA (mémantine), ISRS (citralopram, fluoxétine), Tranquilisants (carbamates), b-bloqueurs (propanolol) (très peu prescrits aux personnes âgées car pas
II – 5. L’entourage et la notion d’aidant principal
La maladie d’Alzheimer retentit de façon importante sur le vie de l’entourage, notamment lorsque le patient vit encore à domicile. L’aidant qui le prend en charge est soit son conjoint, soit l’un de ses enfants. Le réseau d’aides (famille et proches) se constitue selon des règles tacites, une logique familiale et relationnelle modulée par l’affectivité, la proximité, l’histoire familiale et le sens du devoir. La prise en charge familiale repose classiquement sur une seule personne (l’aidant principal). Dans les trois quarts des cas, c’est une femme.
II – 6. L’agressivité de l’entourage et/ou de l’aidant principal
Trois situations vont favoriser l’agressivité de l’entourage et de l’aidant principal :
a) - Les conflits antérieurs à la maladie :
La maladie peut survenir au sein de couples désunis (violence conjugale, adultère par le passé, problème d’alcoolisme, relation dominant/dominé…), de familles en conflit parents/enfants ou entre enfants (rancœur, jalousie, histoire d’héritage…). Il est aisé d’imaginer, dans ce genre de situation, la difficulté de prise en charge d’un malade Alzheimer. Il sera difficile de tolérer la perte d’autonomie, les troubles du comportement d’une personne pour laquelle nous éprouvons de la rancœur, de l’animosité… Il est possible de voir des conflits entre enfants apparaître ou réapparaître. Certains coupent définitivement toute relation avec leur famille. D’autres, au contraire, se surinvestissent sans laisser aucune place aux autres enfants. La prise en charge du malade, dans ces situations, est difficile : il y a beaucoup de non-dits. Il faut rester vigilants quant aux risques de maltraitance.
Le manque d’informations sur la maladie, son évolution et ses complications entraîne une incompréhension de la part de l’aidant face aux comportements du malade et, parfois, des réactions inadaptées ainsi que de l’agressivité : par exemple l’aidant répondant six fois à la même question sur un temps court, se sentira excédé, persuadé que le malade le fait exprès et ne cherche qu’à le mettre à bout ou lorsque celui-ci se salit en mangeant, lorsqu’il se souille… L’aidant pense que tous ces actes sont dirigés contre lui. Il subit alors de plein fouet l’agressivité du malade. Il est donc important que l’aidant principal et l’entourage sachent ce qu’est la maladie d’Alzheimer : qu’il ne s’agit pas que d’oublis mais bien d’une perte progressive de toutes ses facultés (s’orienter, raisonner, reconnaître les gens, s’habiller, se laver,
communiquer, s’alimenter…) et que son chemin sera ponctué de troubles du comportement (agitation, déambulation, inversion du jour et de la nuit, fugue). Tous les tableaux sont possibles. Cependant, certains malades ne fugueront jamais, au contraire, ils resteront calmes sur un mode apathique. S’il n’existe pas à proprement parler de formations pour apprendre à bien réagir, rencontrer des personnes confrontées à des situations similaires, via des associations de malades par exemple, peut aider les membres de l’entourage à comprendre qu’ils ne sont pas les seuls à vivre ces situations et que cette agressivité n’est donc pas dirigée contre eux.
c) - L’épuisement de l’aidant (la plus fréquente) :
1. L'âge avancé et l’état de santé précaire de l’aidant, 2. La désignation implicite d’une personne comme aidant principal potentiel du fait d’une plus
3. Une situation conflictuelle avec les autres membres de la famille, 4. L’isolement et la restriction de la vie personnelle, 5. L’ambition de vouloir tout faire et tout maîtriser seul, 6. Les problèmes financiers et matériels : il faut assumer jusqu’au bout le ou les parent(s)
malade(s) qui ne peut ou ne peuvent pas financièrement entrer en structure, etc…
c1) – Les dix signes de stress de l’aidant (publiés par la société Alzheimer du Canada) :
1. Le refus d’acceptation face à la maladie, 2. La colère (envers la personne malade), 3. L’isolement social (vous vous repliez sur vous-mêmes), 4. L’anxiété (inquiétude sur le quotidien et l’avenir), 5. La dépression (tristesse et désespoir), 6. L’épuisement (vous n’avez plus d’énergie), 7. L’insomnie (cauchemars, rêves stressants), 8. Les réactions émotionnelles (vous pleurez pour rien), 9. Le manque de concentration (il vous est difficile de terminer des tâches complexes), 10. Les problèmes de santé.
c2) – Comment diminuer ce stress en 10 points :
1. Connaître la maladie pour mieux l’affronter (se renseigner). 2. Etre réaliste au sujet de la maladie (ne pas se voiler la face). 3. Etre réaliste face à vous-même (admettre ses limites). 4. Accepter ce que vous ressentez (ne pas se culpabiliser des différents sentiments qui
5. Partager vos émotions et votre expérience. 6. Rechercher les bonnes choses (retenir les bons moments, positiver sur ce qu’il sait
7. Prendre soin de vous (de votre santé, s’accorder du temps). 8. Rechercher l’humour (même si la maladie est grave). 9. Obtenir de l’aide et l’accepter (professionnels à domicile, temps d’écoute, etc…). 10. Planifier pour l’avenir (inscription en institution, etc…).
III – CONCLUSION
L’agressivité est un trouble du comportement fréquent dans la maladie d’Alzheimer. Il est important de ne pas rester isolé et de se faire aider. La prise en charge est à la fois symptomatique, étiologique et comportementale. Le but est de prévenir l’épuisement de l’aidant et d’éviter toute forme de maltraitance.
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